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Chronique de Luis Sepúlveda


Copenhague, la grande escroquerie de l'année


Dans les années 80, un drapeau vert avec, au centre, un soleil souriant et sympathique et la légende « Energie nucléaire ? Non merci » symbolisait plus qu’une mobilisation écologiste ou la revendication d’un groupe d’excités amoureux de la nature. Il s’agissait -en particulier dans le cas de pays comme l’Allemagne et la France- d’une proposition politique qui exigeait de l’Etat Providence, cette conquête socio-démocrate aujourd’hui à l’agonie, de planifier et de développer des politiques énergétiques à long terme, sures et, surtout, susceptibles de ne pas léguer aux générations futures des milliers de tonnes de déchets radioactifs extrêmement dangereux dont la destination finale reste un mystère car, aujourd’hui encore, personne ne sait quoi en faire.
Il s’agissait donc d’une réponse politique à un problème politique et moral : nous avons, bien sûr, besoin d’énergie pour faire fonctionner les machines et nous chauffer, mais pas à n’importe quel prix.
De plus, les alternatives énergétiques, éoliennes et solaires, ont maintenant démontré leur efficacité et des pays comme le Danemark produisent plus de la moitié de leur énergie en toute sécurité et sans déchets éminemment dangereux. Le moratoire destiné à fermer, à diminuer progressivement la dépendance énergétique au nucléaire et à cesser de construire des centrales était un premier pas dans la responsabilité politique et devait être suivi d’autres étapes en direction de la recherche et du développement d’alternatives déjà connues. Mais, par manque de volonté politique dans le domaine de la production d’énergie, les états sont restés les otages des grandes multinationales, étrangères à toute considération morale et avec le profit pour seul but. Une fois de plus, le marché, ce dieu imparfait et imprévisible, s’est imposé et a gagné, nous plongeant ainsi dans la pire des crises économiques de l’histoire.
Ce même Dieu du Marché est en grande partie responsable du réchauffement global qui réunit en ce moment les représentants des pays extrêmement pollueurs opposés à ceux qui souffrent des effets de la pollution et que l’augmentation des marées condamne même à disparaître. C’est aussi simple, aussi tragique, aussi urgent que ça mais le sommet de Copenhague démontre, une fois de plus, qu’au moment de défendre la survie de l’espèce humaine, les pays industrialisés aussi raisonnables et empiriquement forts soient-ils, continuent à placer les critères de marché au-dessus de toute considération morale.
Le président du gouvernement espagnol va à Copenhague avec de formidables idées pour la galerie, comme par exemple, fixer un fond de plusieurs millions d’euros destinés à pallier les effets des changements climatiques. Cependant, en Espagne, on parle avec beaucoup d’enthousiasme de la fin du moratoire nucléaire de 1984 mais on ne dit pas qu’en 2010, les déchets radioactifs seront temporairement entreposés dans le dépotoir nucléaire de Vandellos 1 et qu’on ignore encore où stocker ensuite ces résidus terriblement dangereux. Aucune commune ne veut recevoir la patate chaude même si les avantages économiques dont ils bénéficieraient s’ils acceptent de se transformer en dépôt d’ordures nucléaires sont alléchants. Ces déchets finiront dans un quelconque pays pauvre, probablement africain, lequel ne percevra pas les cinquante mille euros par jour que coûte le dépotoir nucléaire de Vandellos 1 et la misère qu’on leur paiera pour un avenir empoisonné sera présentée comme un acte de philanthropie.
Les pays africains se sont temporairement retirés de Copenhague mais ils sont retournés à la table des négociations : confronté à la pauvreté les états en oublient leur dignité et leur souveraineté.
Les initiatives citoyennes de défense de l’avenir naissent de l’observation des faits qui affectent directement l’ensemble de la société, c’est la base humaine du mouvement écologiste et, en matière d’énergie, les leçons apprises de la « crise du pétrole » de 1973, comme on l’appelle, ont conduit au besoin urgent de chercher et de découvrir des sources d’énergie alternatives. A Copenhague, par contre, on discute des moyens de ralentir la catastrophe mais sans changer de modèle énergétique, un modèle imposé par le marché.
A Copenhague tout est bon pourvu de générer de nouveaux profits grâce à la production énergétique. Tchernobyl n’est plus qu’une anecdote désagréable, le réchauffement global est accepté sans rechercher sérieusement ses causes et ses effets et on applaudit comme un succès que la Chine construise un moulin à vent toutes les demies heures sans faire remarquer que la production d’énergie éolienne n’est raccordée à aucun réseau et ne sert qu’à être applaudie par le galerie.
Voilà où nous en sommes ; Copenhague se termine comme la grande escroquerie de l’année, un fou casse la figure à Berlusconi et moi je remercie les éditeurs et les lecteurs de La Montagne de m’avoir permis d’exprimer mes opinions.
Je leur souhaite un joyeux Noël et une année 2010 digne, juste et solidaire.




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