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Textes inédits issus du catalogue 30 ans

La passion du partage des livres
José Eduardo Agualusa




J’ai connu AMM au cours de la deuxième édition du festival de littérature de langue portugaise le plus animé du Brésil, la FLIP, à Parati. Le succès du festival s’explique en partie par l’incroyable beauté de l’endroit qui l’accueille, une petite ville coloniale enserrée entre de hautes collines très vertes et une mer de rêve, bourrée d’îles.
Ce festival a été important pour moi. J’ai eu la chance de participer à un débat avec Caetano Veloso et les éloges qu’a fait le chanteur sur l’un de mes romans, La Guerre des anges, ont contribué – largement ! – à l’attention qu’y ont porté la presse et les lecteurs, ainsi qu’au reste de mon travail. Trois de mes romans étaient publiés au Brésil mais c’est avec celui-là, et à ce moment-là, que j’ai commencé à exister en tant qu’écrivain au pays du carnaval.
C’est là aussi que je suis né comme éditeur, car c’est au cours de ce même festival que j’ai connu Connie Lopez, Portugaise établie au Brésil depuis longtemps et qui était à l’époque impresario de Caetano Veloso. Connie, qui avait fondé une maison de production de disques, industrie au bord de la ruine, m’a proposé de créer avec une amie brésilienne une petite maison d’édition entièrement consacrée à la nouvelle littérature des pays lusophones.
À Parati, Anne Marie était accompagnée de Ray-Güde Mertin, mon agent, représentante de quelques-uns des plus grands noms de la littérature de langue portugaise. Ray-Güde avait décidé de publier mon deuxième roman, La Saison des fous, chez Gallimard. Je me souviens m’y être opposé, car je soupçonnais déjà qu’un écrivain jeune et parfaitement inconnu devait être mieux accueilli dans une maison d’édition plus petite. C’est ce qu’a dit Anne Marie lorsque Ray-Güde nous a présentés. Je connaissais les Éditions Métailié.
Quelques années auparavant, j’avais rencontré à Lisbonne Pierre Léglise-Costa, un homme élégant et charmant, qui a participé à la création de la collection exceptionnelle de littérature lusophone de la maison.
Un de mes meilleurs amis, l’écrivain portugais Pedro Rosa-Mendes, y avait publié son premier livre, la Baie des tigres, et m’en avait dit le plus grand bien.
Dans les années suivantes, j’ai publié plusieurs livres avec Anne Marie, et mes plus grandes expectatives ont été confirmées. À une époque de grands changements dans le monde de l’édition – concentration éditoriale, réduction de l’espérance de vie du livre, affirmation de la médiocrité –, des maisons comme celle-ci donnent un rôle important de résistance culturelle, les grands groupes recherchent des écrivains prêts-à-consommer, le fast-food de la littérature. Des maisons comme Métailié s’efforcent au contraire de découvrir et de construire des auteurs, un travail ardu et patient, souvent ingrat, sans lequel il n’y a pas d’avenir pour la littérature. Et elles s’efforcent aussi d’ouvrir des fenêtres sur le monde en faisant connaître aux lecteurs français des écrivains de langues et de pays plus ou moins lointains.



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