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Textes inédits issus du catalogue 30 ans


De la multiplication des salamandres noires ...

Anne-Marie Carlier, Librairie des Halles, Niort


“Un tour rapide dans ma bibliothèque… 20 ans de librairie, 30 ans d’édition pour Anne Marie Métailié et, ce soir, je chasse les salamandres… Je n’y arriverai jamais ! Elles sont partout ! Sur les étagères des littératures hispaniques, hispano-américaines, portu­gaises, allemandes, anglaises, polardeuses…
20 ans de lectures, 20 ans de rencontres, et des liens qui se tissent, de plus en plus professionnels et ami­caux… Je me permettrai ici de voler l’expression d’André Schiffrin pour dire qu’il n’y a pas « d’édition sans éditeurs », et que toutes ces salamandres noires, estam­pillées sur les tranches, reconnaissables au premier coup d’œil, sont bien l’œuvre de 30 ans de travail d’une éditrice ! Tout un trésor ! Tout un patrimoine ! Ou, tout simplement, un catalogue !
Mais quel est ce livre, le premier à s’immiscer, le pre­mier lu, le premier conseillé de ce catalogue ? D’ailleurs est-il encore là ? Sûrement prêté… car je sais que les bons livres ne reviennent jamais ! Mais je suis sûre qu’il est sur les rayonnages de la librairie ! Alors ? Le Vieux qui lisait des romans d’amour ? Avec cette belle ren­contre à la fête du livre de Bron, avec Luis Sepúl­veda… qui m’ouvrait la porte sur tant d’autres… Paco Taibo II, et plus tard Sarabia, puis Hernán Rivera Letelier… Mais avant, bien sûr, Leonardo Padura (mais, d’ailleurs, que fait-il ? J’en voudrais tellement un nouveau à me mettre sous la dent !), mais non, ça ne va pas, j’oublie Le Sourire étrusque de José Luis Sampedro… et cette petite perle (encore une !) de Tschinag : Ciel bleu ! Et puis, ce choc à la lecture des Démons à ma porte de Fajardo… Non… je vais me faire des ennemis ! Pas possible de tous les citer, bien sûr ! Parce qu’il y a aussi James Meek, oh, et puis Les Armées de Rosero, Karla Suárez, Jim Grimsley, Lídia Jorge, Agustina Bessa-Luís, José Ángel Mañas, Jesús Díaz… et je ne parle pas de ceux, prêts à se dévoiler et tellement fantasmés, encore sur les piles au pied du lit !
Que de compagnons de route, arrivés sans crier gare ! Que de coins du monde, ou de la pensée, explorés ! Que d’heures de lecture abolissant toute notion de temps ! Soit parce que Anne Marie en avait parlé… Ah ! L’enchan­tement des matins au petit réveil où sa voix résonne sur les ondes ! Soit parce que Lise a glissé un livre dans nos courriers avec un petit mot… petite étincelle entre la pile de factures… soit parce que le représentant nous fait « bisquer », ouvrant la porte à une merveilleuse histoire à venir !
Toujours cet émerveillement à l’ouverture des cartons de nouveautés… le voici enfin, le livre tant attendu, on va pouvoir le partager ! Et cet autre… aurai-je le temps de le lire ? De le conseiller ? Mais il est là ! Et il aura sa place sur les tables, attendant et faisant de l’œil à un passant lecteur ! S’il est là, c’est que je sais qu’Anne Marie a pris des risques en le publiant, qu’elle ne l’a pas fait par hasard ! Alors moi aussi, libraire, je me dois d’en prendre et d’inviter les clients de la librairie à me suivre !
Mon enthousiasme, chaque matin, à me dire que libraire est le plus beau métier du monde dépend en effet de ce travail de découvreur qu’est celui d’éditeur ! Savoir que l’on va pouvoir conseiller ce livre lu jusqu’à tard, ou tel autre, parce qu’un véritable éditeur en a fait le choix ! Savoir que la librairie est habitée par ces ouvrages nourris par la fougue de celle qui nous en a fait cadeau et nous le donne à lire, et à faire lire !
Impossible, alors, de ne pas être au rendez-vous !
Et lorsque j’imagine Anne Marie, arpentant textes, mais aussi kilomètres pour rencontrer ses auteurs, et les lecteurs, pour parler du prix unique du livre et de bibliodiversité avec cette énergie et cette passion que j’admire, je ne peux que dire : chapeau bas ! Et longue vie aux salamandres noires, à celles déjà publiées et à celles à venir !”


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